Demande de Pardon du Prophète
Un article de Mohammedia.
[modifier] Pourquoi le Prophète (sallâ-L-lâhu `alayhi wa sallam) demandait-il pardon ?
Réponse du Qadi 'Iyyad
Bismi-L-lâhi-r-Rahmâni-r-Rahîmi-l-hamdu li-L-lâhi Rabbi-l-`âlamîn. Wa sallâ-L-lâhu `ala-n-Nabiyyi-r-Rahmati wa âlihi wa sahbihi wa-sallama taslîmâ.
Allâh (subhânahu wa ta`ala) a dit :
« En vérité Nous t'avons accordé une victoire éclatante, afin qu'Allâh te pardonne tes péchés passés et futurs, qu'Il parachève sur toi Son bienfait et te guide sur une voie droite; et qu'Allah te donne un puissant secours. » (48 : 1-3)
« Parfois, mon cœur se voile, et je demande pardon à Allâh cent fois par jour. » (Rapporté par Muslim)
« Par Allâh ! Je demande pardon à Allâh et je me repens à Lui plus de soixante-dix fois par jour. » (Rapporté par al-Bukhârî)
Notre maître, le Shaykh Ibrâhîm al-Ya`qûbî (qu’Allâh lui fasse miséricorde) a dit dans Farâ-îd al-Hisân :
« Les prophètes sont infaillibles et donc préservés des péchés capitaux et véniels ; ils évitent même de faire le choix le moins judicieux. Tout ce qui vient d’eux fait acte de loi et ce qui pourrait sembler y contrevenir, d’un point de vue extérieur, doit être interprété d’une manière digne de leur rang. En effet, de tels actes ne sauraient mettre en cause leur nécessaire infaillibilité car ils ne font que transmettre le Message d’Allâh ta`ala aussi bien par leurs paroles que par leurs actes ou leurs décisions. »
Comment donc concilier ces différentes informations ? Pourquoi le Prophète demande-t-il pardon alors qu’il ne pèche pas ? Et à quoi fait-il référence lorsqu’il parle du voilement de son noble cœur qui est inondé en permanence de lumières spirituelles ?
La réponse se trouve chez notre maître, al-Qadî `Iyâd al-Mâlikî (qu’Allâh l’agrée) dans son œuvre magistrale Kitâb ash-Shifâ (Le Livre de la Guérison) :
« Si on interroge : Que signifie donc cette parole du Prophète :
Mon cœur s’ennuage (yughan) et je demande, chaque jour, cent fois pardon à Allâh.
Et dans une autre version :
Chaque jour plus de soixante-dix fois pardon.
Prends garde à ce que ton esprit soit effleuré par l’idée que cet ennuagement (ghayn) soit une obsession ou une noirceur qui aurait touché son cœur ! Car l’origine de ce ghayn (ennuagement), c’est ce qui couvre le cœur et l’enveloppe, comme l’indique Abû `Ubayd. En effet, le mot a pour premier sens ghayn du ciel qui est la couverture des nuages. D’autres disent que le ghayn est quelque chose qui enveloppe le cœur sans le couvrir complètement, comme le brouillard léger qui apparaît dans l’air et n’empêche pas les rayons solaires de le traverser.
De même, il ne faut pas comprendre de ce Hadîth que chaque jour son cœur s’ennuage cent fois ou plus de soixante-dix fois car les termes que nous avons mentionnés ne l’impliquent pas. Il s’agit pourtant des termes qui reviennent dans la plupart des versions. C’est que ce nombre se rapporte à la demande de pardon et non pas à l’ennuagement (ghayn). Ainsi, cet ennuagement (ghayn) constitue une allusion à l’inadvertance de son cœur, aux relâchements de son âme et ses oublis dans la poursuite du Dhikr et la contemplation d’Allâh, parce qu’il fut obligé de supporter les hommes, de s’occuper des affaires de la Communauté, d’aider les siens et d’affronter (ndT : le terme est peut-être mal choisi) l’ami et l’ennemi, sans compter le poids du Message et les obligations d’assumer cette immense charge tout en observant, à travers tout cela, l’obéissance à son Seigneur et l’adoration de son Créateur.
En effet, comme le Prophète avait, de toutes les créatures, la position la plus élevée auprès d’Allâh, le rang le plus sublime et possédait la connaissance la plus parfaite de son Seigneur, il a estimé que son relâchement par rapport à son état au moment de la libération de son cœur, de l’émancipation de son souci, de son tête-à-tête avec son Seigneur, de son attachement exclusif à Lui et son occupation par toute autre chose constituaient une régression par rapport à son état sublime et un abaissement par rapport à sa station élevée, aussi il a demandé pardon à Allâh pour cela.
C’est l’aspect le plus retenu et le plus notoire dans l’explication de ce Hadîth. Beaucoup de gens ont penché pour le sens que nous avons indiqué en tournant tout autour et en s’en approchant sans pouvoir l’atteindre.
Nous avons expliqué son sens obscur et dévoilé au lecteur sa réalité en montrant que cela est fondé sur la possibilité d’envisager les relâchements, les oublis et les inadvertances hors du champ de la transmission du message comme nous aurons l’occasion de le voir.
Tout un groupe de Maîtres des cœurs et de grands Soufis parmi ceux qui affirment que le Prophète (sallâ-L-lâhu `alayhi wa-sallam) est tout à fait à l’abri de tout cela et qu’il est trop sublime pour s’exposer aux états d’insouciance et de relâchement, soutiennent que le sens de ce Hadîth se résume dans ce qui occupe son esprit et préoccupe sa pensée quant à sa Communauté; ses soucis pour ses membres et sa grande compassion pour eux afin de demander pardon en leur faveur. Aussi, disent-ils, l’ennuagement (al-ghayn) qui gagne son cœur pourrait être ici la Sakinâ (sérénité) qui l’envahit conformément à la parole divine :
Allâh fit alors descendre sur lui Sa sakîna. (Le repentir : 40)
Sa demande de pardon serait alors de sa part une manifestation de servitude et de son indigence.
A ce propos, Ben `Atâ dit : Sa demande de pardon et ses agissements constituent une initiation pour amener la Communauté à pratiquer la demande de pardon. D’autres ajoutent : Pour que ses membres soient vigilants, et ne se réfugient pas dans l’assurance.
Il est possible que cet engagement soit un état de crainte et de vénération qui envahissent son cœur, ce qui l’amène à rendre grâce à Allâh et à observer régulièrement l’adoration, conformément à ce qu’il a dit à propos de son adoration continuelle :
Ne dois-je pas être un serviteur reconnaissant ?
On devrait donc, selon ces indications, interpréter dans ce sens cette version du Hadîth où le Prophète dit :
Mon cœur s’ennuage chaque jour aussi, je demande pardon à Allâh plus de soixante-dix fois. »